Si j’étais médecin, je prescrirais des vacances à tout patient qui considère le travail comme important. Bertrand Russel

Le fait de travailler en heures supplémentaires est mauvais pour le cœur, selon l’étude Whitehall II, étude sur le long terme ayant suivi plus de 10 000 fonctionnaires à Londres.

La recherche, publiée dans le journal European Heart Journal [1], a découvert que comparés aux individus qui ne faisaient pas d’heures supplémentaires, les gens qui travaillaient trois heures par jour ou au-delà, en plus de leur journée normale de sept heures, avaient un risque 60% plus élevé d’avoir des problèmes cardiaques ou associés, comme un décès dû à une maladie cardiaque, une crise cardiaque non fatale et une angine de poitrine.

Le Dr Marianna Virtanen, épidémiologiste du Finnish Institute of Occupational Health à Helsinki (Finlande) déclare : “l’association entre de longues heures de travail et les maladies coronariennes était indépendante de tout un ensemble de facteurs de risque que nous avons mesurés au début de l’étude, comme le tabagisme, le surpoids ou le niveau de cholestérol.”

“Nos résultats suggèrent un lien entre le fait de travailler de longues heures et l’augmentation des maladies de cœur, mais il faudra plus de recherche avant de conclure avec confiance que les heures supplémentaires sont bien la cause de ces maladies. En outre, il faut plus de recherches sur les autres résultats pour la santé, comme la dépression et le diabète de type 2.”

L’étude Whitehall II [2] a commencé en 1985 et a recruté 10308 employés de bureau âgés entre 35-55 ans de 20 départements du service civil de Londres. Les données ont été collectées à des intervalles réguliers et dans la troisième phase, entre 1991 et 1994, une question sur les heures de travail a été introduite. Cette analyse a étudié les résultats de 6014 personnes (4262 hommes et 1752 femmes), âgés entre 39 et 61 ans, qui ont été suivies jusque 2002-2004, qui est la phase la plus récente pour laquelle les données de l’examen clinique sont disponibles.

Pendant cette moyenne de 11,2 années de suivi, le Dr Virtanen et ses collègues de Finlande, de Londres et de France, ont trouvé qu’il y avait eu 369 cas de décès suite à des maladies coronariennes, crises cardiaques non fatales (infarctus du myocarde) ou angines de poitrine.

Après avoir ajusté les facteurs démographiques comme l’âge, le sexe, le statut marital et le statut professionnel, ils ont découvert que travailler trois à quatre heures de plus (mais pas une ou deux heures de plus) était associé à une augmentation de 60% des maladies de cœur comparé à aucun dépassement d’horaire au travail. Des ajustements sur un total de 21 facteurs de risque ont fait peu de différence à ces estimations.

Les chercheurs déclarent qu’il pourrait y avoir un certain nombre d’explications possibles pour cette association entre les heures supplémentaires et les maladies cardiaques. Leurs résultats montrent que faire des heures sup était associé à un modèle de comportement de type A (ces personnes tendent à être agressives, en compétition, nerveuses, pressées et généralement hostiles), à une détresse psychologique qui se manifeste par la dépression et l’anxiété, et sans doute pas assez de sommeil, ou pas assez de temps pour se relaxer avant d’aller se coucher.

D’autres explications possibles comprennent : une tension trop élevée qui est associée à un stress associé au travail, mais “cachée” parce qu’elle ne se voit pas nécessairement lors des examens médicaux ; “un présentéisme malade” où les employés qui font des heures supplémentaires sont plus susceptibles de venir travailler en étant malades, à ignorer les symptômes de la maladie et ne cherchent pas à se soigner ; et finalement, il est possible que les individus dans les emplois où ils ont plus de liberté et de latitude dans leurs décisions professionnelles, pourraient avoir des risques plus faibles de maladies de cœur malgré des heures de travail supplémentaires.

Cependant, le Dr Virtanen dit que leurs résultats étaient indépendants de tous les facteurs annexes, et qu’ils pourraient ainsi ne pas expliquer complètement pourquoi les heures supplémentaires sont associées à un risque plus élevé de maladie cardiaque. En outre, elle déclare : “nous n’avons pas mesuré si les changements subséquents de ces facteurs, durant la période de suivi, avaient altéré l’association.”

Une explication possible de l’augmentation du risque pourrait être que les styles de vie inverses, ou les changements des facteurs de risque, sont plus fréquents chez ceux qui travaillent pendants des heures excessives, comparés à ceux qui travaillent des heures normales. Une autre possibilité est que l’expérience chronique du stress (souvent associée aux longues heures de travail) affecte défavorablement les processus métaboliques. Il est important que ces hypothèses soient examinées en détail dans le futur.

Les auteurs préviennent aussi dans leur article : “bien que notre cohorte de fonctionnaires incluait plusieurs grades professionnels, elle ne comprenait pas de travailleurs en col bleu. Ainsi, il n’est pas clairement déterminé si nos résultats sont généralisables aux cols bleus et aux employés des secteurs privés.”

L’auteur principal de l’étude, le Professeur d’Epidémiologie Sociale à Londres Mika Kivimäki, souligne les orientations futures de ses travaux : “actuellement, il n’y a pas de recherche établissant si une réduction du temps de travail réduit les risques de maladies coronariennes. Davantage de recherches sur ce sujet seront nécessaires.”

“Nos futures recherches comprendront une analyse des données sur différentes périodes de temps afin d’examiner si le fait de travailler de longues heures est un indicateur des changements du style de vie, de la santé mentale et des facteurs de risque traditionnels comme la tension, le taux de sucre dans le sang et le cholestérol. Nous espérons que ces recherches permettront d’augmenter notre compréhension des mécanismes sous-jacents à l’association entre de longues heures de travail et les maladies de coeur.”

Références :

[1] Overtime is bad for the heart. European Heart Journal

[2] Overtime work and incident coronary heart disease : the Whitehall II prospective cohort study. European Heart Journal

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