Des recherches ont montré que plus la boisson reste dans la bouche et plus la stimulation est importante.

Les gens ont du mal à le croire, mais la recherche existe depuis plus de neuf ans déjà : le fait de mettre une boisson sportive dans la bouche et de la recracher stimule la performance en endurance jusqu’à 30 minutes. Dans un article publié dans le journal Current Sports Medicine Reports [1], Asker Jeukendrup (l’un des auteurs de l’étude originale de 2004) a passé en revue la littérature existante afin de la résumer et d’en chercher une explication.

Une étude précédente [2] par des chercheurs de l’Université de Central Lancashire a creusé plus en détails : combien de temps faut-il se rincer la bouche pour en tirer des bénéfices ? C’est une question intéressante, parce qu’une étude [3] datant de quelques années de cela avait découvert que le fait de se rincer la bouche et de recracher une boisson sportive produisait de meilleurs résultats que le fait d’avaler la boisson dans le cadre d’un test de vélo sur 60 minutes. L’explication donnée à l’époque était que les sucres passaient plus de temps dans la bouche pendant le rinçage, et avaient ainsi plus l’opportunité de stimuler les récepteurs connectés au cerveau que quand on l’avale.

Alors est-ce que le temps de contact dans la bouche importe ? Dans l’étude présente, les chercheurs ont comparé trois conditions :

1- Un rinçage de la bouche avec de l’eau pendant 5 secondes,
2- un rinçage de la bouche avec une boisson sportive (6,4% de sucres) pendant 5 secondes,
3- un rinçage de la bouche avec une boisson sportive pendant 10 secondes.

L’un des défauts majeurs de cette étude est bien entendu que le “placébo” est ici représenté par de l’eau ; les expériences plus rigoureuses ont joué avec la couleur et le gout pour cacher artificiellement les boissons sucrées afin d’obtenir un placebo le plus indiscernable possible. La comparaison la plus intéressante était celle entre les groupes à 5 secondes et à 10 secondes de rinçage de bouche avec la boisson sportive. Voici les distances qu’ils ont réalisées dans un test de 30 minutes :


On peut observer un effet dose-réponse plutôt sympa ! Voici les évaluations de l’épuisement perçu par les sportifs à cinq minutes d’intervalles.


En d’autres termes, plus ils se rinçaient la bouche et plus ils pédalaient loin, et plus ils se sentaient bien ! Quelle incroyable substance !

Alors que savons-nous sur le fonctionnement de cet effet ? Comme l’analyse de Jeukendrup le fait remarquer, il n’y a pas de raison métabolique au fait que l’ingestion des hydrates de carbone puisse aider pendant ces courtes séances d’exercice (par ex. d’une heure ou moins). Votre corps n’épuise pas son stock de sucres pendant de si courtes sessions, et l’exercice est terminé avant que toute quantité significative de sucres supplémentaires avalée soit réellement absorbée et oxydée.

Pour tirer cela au clair, Jeukendrup et ses collègues ont fait une étude en 2004 où ils avaient infusé du glucose (ou une solution saline placébo) directement dans les veines de cyclistes qui ont réalisé une course de 40 kilomètres (qui a pris environ une heure). Dans ce cas, les cyclistes ont réellement pu utiliser l’apport supplémentaire en sucres, mais cela n’a fait aucune différence dans leur performance. Les muscles n’en ont tout simplement pas besoin pour un événement d’une durée aussi courte.

Au lieu de cela, c’est le cerveau qui est influencé par le rinçage de la bouche : des études avec IRM ont montré que certaines aires du cerveau s’activaient quand vous avez du sucre dans la bouche, et ceci qu’il soit sucrant ou sans aucun gout. Les rinçages artificiellement sucrés (aux édulcorants sans sucre) ne produisent pas le même effet, ainsi il ne s’agit pas d’une histoire de gout, et cet effet n’est pas conscient. Dans son analyse, Jeukendrup notait que ces observations étaient cohérentes avec l’existence d’un “gouverneur central” qui régulerait les sorties motrices reposant sur les signaux venant des muscles, et d’autres régions, y compris de la bouche.

Les autres éléments intéressants de cette analyse :

 Les sessions d’exercice physique les plus courtes pour en bénéficier semblent être de 30 minutes environ (bien qu’une autre étude [4] ait observé des effets dans des sprints répétés de 6 secondes).

 L’effet semble dépendre de votre recharge en sucres quand vous commencez. En général, les effets les plus puissants sont observés chez les sujets qui viennent de passer une nuit sans manger. Les effets plus faibles, ou pas d’effet du tout, sont observés quand les sujets ont avalé des repas riches en hydrates de carbone deux heures avant l’exercice. Il y a quelques résultats contradictoires ici, mais l’image globale semble ne pas être un effet “on / off”, mais plutôt une échelle graduée où les effets les plus puissants sont observés dans les situations dans lesquelles vous vous attendez à ce que le corps ait besoin de plus de sucres.

 Vous ne pouvez pas tromper le cerveau trop longtemps. Au-delà de deux heures, vos muscles ont vraiment besoin de sucres, et il faudra en consommer. Cela ne veut cependant pas dire qu’il n’y ait pas de rôle pour le rinçage et de recracher. Dans les effets à long terme (comme dans le cas du cyclisme de plusieurs heures), avaler suffisamment d’hydrates de carbone peut être un défi gastro-intestinal important. Une fois que vous êtes proche de l’arrivée (disons dans les 30 dernières minutes), les sucres que vous avalez auront moins de temps pour être réellement absorbés et oxydés, mais vous pouvez continuer à profiter de l’impulsion en continuant à vous rincer la bouche tout en recrachant le liquide. Ce qui ne veut pas obligatoirement dire de ne pas avaler entièrement ce type de boisson lorsque cela s’avère nécessaire.

 Quelle est la force de l’impulsion ? Les résultats, sur une étude d’une heure d’exercice, semblent s’établir à 2%. Ce qui n’est déjà pas si mal !

Références :

[1] Oral carbohydrate rinse : placebo or beneficial ? Jeukendrup AE. Curr Sports Med Rep. 2013 Jul-Aug ;12(4):222-7. doi : 10.1249/JSR.0b013e31829a6caa.

[2] Eur J Sport Sci. 2013 Avr. The effect of different durations of carbohydrate mouth rinse on cycling performance. Sinclair J, Bottoms L, Flynn C, Bradley E, Alexander G, McCullagh S, Finn T, Hurst HT.

[3] Scand J Med Sci Sports. 2010 Feb ;20(1):105-11. doi : 10.1111/j.1600-0838.2008.00868.x.Mouth rinse but not ingestion of a carbohydrate solution improves 1-h cycle time trial performance. Pottier A, Bouckaert J, Gilis W, Roels T, Derave W.

[4] Appl Physiol Nutr Metab. 2013 Jun ;38(6):633-7. doi : 10.1139/apnm-2012-0333. 2013. Effects of caffeine and carbohydrate mouth rinses on repeated sprint performance. Beaven CM, Maulder P, Pooley A, Kilduff L, Cook C.

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