Toutes les graisses alimentaires ne sont pas égales. Certaines formes de graisses ont été associées à des maladies comme les maladies cardiovasculaires et le diabète, tandis que d’autres, comme celles qu’on trouve souvent dans les plantes et les poissons, ont des bénéfices pour la santé qui sont bien documentés.

Ainsi donc, pourquoi nos corps réagissent de manière si destructrice face à certaines graisses et pas à d’autres ?

Une nouvelle hypothèse décrite dans le journal The Quarterly Review of Biology [1] suggère que la réponse se situe dans la façon dont les différentes graisses interagissent avec les micro-organismes présents dans nos intestins. Selon des chercheurs de l’Université du Nouveau Mexique et Northwestern, certaines graisses pourraient favoriser la croissance de bactéries nocives dans le système digestif. Nos corps ont évolué pour reconnaître ces graisses et pour lancer une réponse immunitaire pour anticiper les modifications obstructives des bactéries nuisibles. Il en résulte une inflammation faible qui, sur le long terme, peut être cause des maladies chroniques.

“Bien que les effets inflammatoires des graisses soient bien documentés, on sait moins bien estimer qu’elles influencent aussi la survie et la prolifération bactérienne de l’appareil digestif” d’après les chercheurs dirigés par Joe Alcock.

Certaines graisses, principalement insaturées, ont en effet des propriétés fortement antimicrobiennes. Elles réagissent chimiquement avec les membranes cellulaires bactériennes, en les affaiblissant. “Si vous exposez des graisses insaturées à des bactéries, les bactéries ont tendance à se dissoudre. L’association d’une longue chaine de graisses insaturées, tout spécialement les acides gras Omega-3, et des défenses innées comme l’acide gastrique et les peptides antimicrobiens, est particulièrement mortelle pour les bactéries pathogènes” dit Alcock. Les graisses saturées, d’un autre côté, manquent généralement de ces propriétés antimicrobiennes, et peuvent en fait être une source de carbone dont les bactéries ont besoin pour croitre et prospérer.

Et ce sont ces différents effets microbiens, pense Alcock, qui sont à la racine de l’explication selon laquelle certaines graisses causent des inflammations et d’autres non. Pour tester cette idée, les chercheurs ont éclusé des années de recherches sur les effets microbiens des graisses et leurs effets inflammatoires.

“Nous avons trouvé une relation fortement significative entre ces graisses qui ont des propriétés antimicrobiennes et celles qui ont des propriétés anti-inflammatoires” dit Alcock. “Les graisses qui sont dénuées de propriétés antimicrobiennes tendent à causer des inflammations. Il s’agit d’une très, très forte relation.”

En un sens, disent les chercheurs, la présence des graisses saturées actionne un “système d’alerte précoce” dans le corps. Quand les graisses qui encouragent la croissance bactérienne sont présentes, le corps se prépare pour ces invités microbiens importuns par une réponse immunitaire inflammatoire. Et alors que cette réaction pourrait aider à évacuer l’infection dehors à court terme, la présence constante de telles graisses font que le corps tombe dans une spirale de maladies associées à l’inflammation, comme les maladies cardiovasculaires.

Les chercheurs préviennent cependant que tandis que leur hypothèse est bien supportée par les données actuelles, il faudra plus de recherches pour conclure.

“Nous avons eu l’idée que manger des aliments gras encourageait la croissance et l’invasion d’un microcosme microbien nuisible, et nous savons que certaines graisses éliminent ces espèces potentiellement nocives” dit Alcock. “Mais nous avons fait un bon de l’assiette de Petri vers l’organisme dans son entier. Nous ne prétendons pas avoir le dernier mot. Il s’agit plutôt d’un outil qui permettra de produire des hypothèses supplémentaires qui pourront être testées.”

Références :

[1] Joe Alcock, Melissa L. Franklin, Christopher W. Kuzawa. Nutrient Signaling : Evolutionary Origins of the Immune-Modulating Effects of Dietary Fat. The Quarterly Review of Biology, 87:3.

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