C’est un débat qui existe depuis les derniers jours de Sigmund Freud : est-ce qu’une femme peut avoir un orgasme seulement grâce à une stimulation vaginale ? Et y a-t-il des différences entre les orgasmes dits clitoridiens et vaginaux ?

Une série d’essais expose les preuves selon lesquelles les orgasmes vaginaux et clitoridiens sont en fait des phénomènes séparés, qui activent différentes régions du cerveau, et qui révèlent peut-être des différences psychologiques clés entre les femmes.

“Nous avons beaucoup de preuves à propos des différences entre les deux principaux orgasmes, l’orgasme clitoridien et l’orgasme vaginal” dit Emmanuele Jannini, professeur d’endocrinologie à l’Université d’Aquila en Italie. Celle-ci a organisé et a contribué à cette séries d’études, publiée dans le Journal of Sexual Medicine [1].

Les preuves des orgasmes

Apparemment, il pourrait être fort simple de lever le voile sur le mystère de l’existence des orgasmes vaginaux : il suffirait de demander aux femmes si elles l’ont expérimenté. Mais en pratique, c’est un peu plus difficile de déceler la véritable stimulation sexuelle qui conduit à l’orgasme.

La gynécologue Odile Buisson argumente dans son étude, par exemple, en disant que la paroi avant du vagin est inextricablement reliée à des régions internes du clitoris, et que stimuler le vagin sans activer le clitoris serait proche de l’impossible. Ainsi, les orgasmes “vaginaux” pourraient être des orgasmes clitoridiens d’un autre genre.

Cependant, d’autres recherches tendraient à suggérer deux types distincts d’orgasmes féminins. Barry Komisaruk de l’Université Rutgers a dirigé plusieurs études dans lesquelles des femmes se sont masturbées tout en ayant l’activité de leur cerveau enregistrée par imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). Les résultats ont montré quelles régions cérébrales sensorielles s’activaient en réaction à la stimulation.

“Si la stimulation vaginale fonctionnait simplement via des stimulations clitoridiennes, alors la stimulation vaginale et la stimulation clitoridienne activeraient exactement les mêmes régions du cortex sensoriel” dit Komisaruk, “mais ce n’est pas le cas”.

En fait, celui-ci a rapporté que les régions du cerveau pour les stimulations clitoridienne, utérine et vaginale se regroupent ensembles, mais ne se chevauchent que très légèrement, telles des “grappes de raisin”.

Puis, il y a d’autres preuves de multiples types d’orgasmes : les femmes rapportent que les orgasmes vaginal et clitoridien ont des sensations différentes. Les femmes qui ont été victimes de blessures à la colonne vertébrale qui ont coupé toute communication entre le clitoris et le cerveau peuvent toujours vivre des orgasmes par stimulation vaginale. Certaines femmes chanceuses peuvent même “penser” elles-mêmes et atteindre l’orgasme sans stimulation du tout (il y a aussi des comptes-rendus de femmes qui ont des orgasmes à la salle de sport en faisant des abdominaux).

“L’orgasme chez les femmes est dans le cerveau, il est ressenti dans plusieurs régions du corps, et il peut aussi être stimulé par plusieurs régions du corps, tout comme par des images seules” note le professeur Beverly Whipple de l’Université Rutgers, qui déclare avoir découvert le si controversé “Point G”, une région de la paroi avant du vagin qui serait particulièrement sensible à la stimulation sexuelle.

Le sens de l’orgasme

Si l’origine de l’orgasme est controversée, il en est de même pour le rôle de ce réflexe. La recherche de Whipple a suggéré que le sensible Point G avait une fonction de blocage de la douleur pendant le travail, lorsque la tête du bébé déchire les parois vaginales, il pourrait être avantageux d’avoir un petit soulagement. Ses études ont trouvé que quand une pression est appliquée sur le “point G”, le seuil de douleur d’une femme augmente de 47%. En d’autres termes, il faudra beaucoup plus de douleur avant que la femme s’écrie “aïe”.

Si la stimulation du point-G est agréable, dit Whipple, le seuil de la douleur augmente de 84% comparé à pas de stimulation du tout, et pendant l’orgasme, ce seuil atteindrait un formidable 107% !

De façon plus provocante, certaines recherches ont associé les orgasmes uniquement vaginaux à la santé physique et mentale. La recherche est corrélationnelle, ainsi on ne sait pas bien si les femmes en bonne santé sont enclines aux orgasmes vaginaux, ou si les orgasmes vaginaux favorisent d’une façon ou d’une autre la santé ou encore si certains facteurs inconnus relient les deux.

Par exemple, une étude a trouvé que les femmes qui ont des orgasmes vaginaux ont un rythme cardiaque au repos plus faible que celles qui n’en ont pas. Une autre recherche a découvert que les femmes qui ont des orgasmes sans stimulation clitoridienne sont, en moyenne, moins susceptibles d’utiliser certains mécanismes psychologiques inadaptés pour surmonter leurs difficultés, explique Stuart Brody, psychologue à l’Université d’Ecosse de l’Ouest, auteur de l’étude. Parmi ces mécanismes, on trouve la somatisation (des symptômes psychologiques qui se manifestent sous la forme de douleurs physiques), le transfert (déplacer une émotion sur une personne ou un objet sur un(e) autre) et l’isolation de l’affect (le fait de déconnecter les émotions des expériences).

Le trouble d’un orgasme vaginal précis est associé à tout un ensemble d’autres troubles psychologiques. Les résultats n’ont pas valeur de jugement sur les femmes qui n’arrivent pas à avoir d’orgasme vaginal. Mais certaines études suggèrent que le fait d’enseigner aux femmes que les orgasmes prennent leur origine seulement avec le clitoris résulte en peu d’orgasmes vaginaux. Les chercheurs de conclure que ce type de conseil sexuel pourrait être à l’origine de “mauvaises pratiques”.

Faire éclater les mythes

Rutgers affirme que les données de Brody sont solides, bien qu’il soit une figure controversée dans le domaine à cause de ses interprétations catégoriques sur les bénéfices des orgasmes vaginaux.

Mais l’un des mythes de l’orgasme sur lequel tous les chercheurs sont d’accord, et qui devrait être viré hors des chambres à coucher, est que le vagin est insensible. Cette idée a commencé à se répandre à cause du sexologue Alfred Kinsey, qui avait rapporté que les femmes n’arrivaient pas à réagir à la sensation d’une pelote de coton frictionnée le long de leurs parois vaginales.

Mais les propres données de Kinsey ont montré que plus de 90% des femmes sentaient quand une pression était appliquée sur leurs parois vaginales. D’une manière ou d’une autre, ce fait est tombé de lui-même, et Kinsey et ses collègues ont mis à mal l’erreur selon laquelle le vagin et le col de l’utérus ne ressentaient rien.

Des études par IMRf, et une compréhension plus sophistiquée de l’anatomie, dévoilent cette “machinerie si compliquée” qu’est le corps de la femme. Néanmoins, les femmes qui n’arrivent pas à avoir d’orgasme n’ont pas à se sentir inférieures.

Références :

[1] Female Orgasm(s) : One, Two, Several. Journal of Sexual Medicine, Volume 9, Issue 4, Avril 2012, pp : 956–965, Emmanuele A. Jannini, Alberto Rubio-Casillas, Beverly Whipple, Odile Buisson, Barry R. Komisaruk, Stuart Brody.

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