Presque 20 millions de traqueurs d’activité ont été vendus l’an dernier [1]. Ces dispositifs numériques, qui enregistrent tout depuis les pulsations cardiaques jusqu’au nombre de pas que vous faites, sont vendus avec la promesse qu’ils aideront celui qui les achète à maigrir, à améliorer sa forme et à être plus heureux. Malheureusement, comme pour beaucoup de produits vendus sous l’argument qu’ils vont améliorer la performance sportive [2], la recherche confirmant ces assertions et leur utilité est très limitée.

Dans une recherche publiée récemment [3], des chercheurs ont trouvé peu de preuves qui montrent que le fait de posséder un traqueur d’activité améliorait la santé. Les preuves de leur efficacité reposent souvent sur des comptes rendus ou des anecdotes personnelles de gens qui décrivent leur propre expérience. Une étude récente [4], par exemple, a observé que les podomètres étaient efficaces pour ce qui était d’augmenter les niveaux d’activité, mais que ces adultes recevaient aussi des conseils réguliers lors de consultations pour parler de leurs progrès. Des interventions similaires mais qui impliquaient l’utilisation de podomètres de façon isolée, sans le soutien de professionnels de la santé, n’ont pas montré de bénéfices à long terme.

Prêcher des convertis

Ce qui a bien été établi, c’est que les traqueurs d’activité sont plus susceptibles d’être portés par des gens qui sont déjà en bonne santé et qui veulent simplement enregistrer leurs progrès. Les personnes inactives ne désirent probablement pas qu’on leur rappelle quotidiennement ou toutes les heures qu’elles sont paresseuses. Cependant, comme beaucoup de bonnes résolutions de la nouvelle année, comme celle de faire du sport, la nouveauté du traqueur d’activité s’est atténuée à une vitesse alarmante même parmi les gens qui sont déjà en bonne santé. Des enquêtes ont montré que plus d’un utilisateur sur trois a arrêté de porter l’appareil au bout de six mois, et que la moitié ne l’utilisait plus au bout d’un an. Alors qu’est-ce qui ne va pas ?

Ces appareils nécessitent souvent un niveau d’engagement supplémentaire que de nombreuses personnes trouvent désagréables. Un exemple de tel “engagement perturbant” est le besoin de régulièrement les charger, parfois même tous les jours (à comparer à une montre dont la pile peut tenir des années).

Mais peut-on faire confiance en des dispositifs qui nous font apparaitre comme en meilleure forme que ce que nous sommes en réalité ? Le fait de trop s’enregistrer a montré être quelque-chose d’inconfortable, d’intrusif et de déplaisant, notamment chez les gens qui souffrent de maladie [5] et le fait de traquer sa condition physique sur de longues périodes de temps peut devenir moins séduisant avec les effets inévitables de l’âge.

Bien entendu, tout ceci suppose que ces appareils soient tout d’abord précis et sûrs. Quand il s’agit de comparer différents appareils, la précision varie considérablement. Les taux d’erreurs de certains appareils vont jusqu’à 25 % [6]. Un consommateur ne possède pas les données collectées par son appareil et ne peut voir que des statistiques résumées. Les données brutes sont stockées par le fabricant et sont régulièrement vendues à d’autres organisations. On ne sait pas vraiment comment ces données sont sécurisées ou anonymisées étant donné que tout appareil qui transmet des données à distance peut être piraté. Ce qui peut provoquer la perte, le vol ou la déformation des données.

Ces appareils sont vendus avec la promesse qu’ils vont aider à améliorer la condition physique, même si les preuves font actuellement défaut. La recherche dans ce domaine devrait adopter une approche identique à celle des études standards sur les médicaments, afin de démontrer l’efficacité des traqueurs d’activité avant qu’ils soient mis sur le marché. Quand un médicament est testé sur des êtres humains, une étude randomisée contrôlée est le standard or pour tester son efficacité. Un groupe de patient reçoit le médicament testé, et d’autres groupes (groupes contrôles) peuvent recevoir un médicament différent ou un placebo. De cette manière, le nouveau médicament peut être testé contre d’autres déjà existants et/ou contre un placebo.

Une méthode identique impliquant trois groupes de participants pourrait tester l’efficacité des traqueurs d’activités portables. Un groupe pourrait être choisi au hasard pour porter l’appareil, un second groupe devrait noter ses activités quotidiennes dans un journal. Un troisième groupe ne recevrait pas de traqueur d’activité et ne tiendrait pas de journal. Les trois groupes devraient suivre un programme sportif ou d’activités physiques identiques pour conserver un mode de vie sain. Les niveaux de forme physique pourraient être enregistrés au fil de l’eau pour voir quel groupe tire le plus de bénéfices pour sa santé. Non seulement cela éclairerait la capacité des traqueurs d’activité à modifier les comportements, mais les résultats pourraient aussi permettre d’identifier les personnes qui sont les plus susceptibles de tirer profit de tels appareils dans le futur [7].

Références :

[1] Worldwide Wearables Market Forecast to Reach 45.7 Million Units Shipped in 2015 and 126.1 Million Units in 2019, According to IDC. 2015.

[2] BMJ Open 2012. The evidence underpinning sports performance products : a systematic assessment.

[3] The Rise of Consumer Health Wearables : Promises and Barriers. Lukasz Piwek, David A. Ellis, Sally Andrews, Adam Joinson. PLOS Medicine.

[4] A Primary Care Nurse-Delivered Walking Intervention in Older Adults : PACE (Pedometer Accelerometer Consultation Evaluation)-Lift Cluster Randomised Controlled Trial. Tess Harris , Sally Kerry, Christina Victor, Ulf Ekelund, Alison Woodcock, Steve Iliffe, Peter Whincup, Carole Beighton, Michael Ussher, Elizabeth Limb, Lee David, Debbie Brewin, Fredrika Adams, Annabelle Rogers, Derek Cook. PLOS Medicine.

[5] Efficacy of self monitoring of blood glucose in patients with newly diagnosed type 2 diabetes (ESMON study) : randomised controlled trial. BMJ 2008 ; 336.

[6] Accuracy of Smartphone Applications and Wearable Devices for Tracking Physical Activity Data. Meredith Case, Holland Burwick ; Kevin Volpp, Mitesh Patel. JAMA. 2015 ;313(6):625-626.

[7] The Role of Personality in Sport and Physical Activity. Current Directions in Psychological Science, 2014, vol. 23, no. 6, 460-465.

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