Le super-héro de Marvel, Daredevil, est devenu aveugle à cause d’une substance radioactive, mais sa cécité n’a fait que rendre ses autres sens surhumains. On croit souvent que les personnes aveugles ou sourdes pourraient avoir leurs autres sens surdéveloppés à la manière de Daredevil. Mais la réalité est beaucoup plus subtile : les personnes qui ont un de leur sens altéré n’ont en général pas d’amélioration de leurs autres sens, mais plutôt des modifications très spécifiques de leur cerveau.

Les scientifiques ont découvert certaines des différences cérébrales qui sont à l’origine des changements ou des améliorations des autres sens. Par exemple, la recherche a montré que les individus qui sont sourds depuis leur naissance tendaient à être plus sensibles à la lumière ou au mouvement dans leur vision périphérique, comparés aux personnes qui peuvent entendre.

L’information dans le système visuel cérébral suit principalement deux chemins. Le chemin “où”, qui implique des signaux qui voyagent depuis le cortex visuel le long du haut du lobe occipital, qui donne une information sur la localisation d’un objet et sur son mouvement. Le chemin “quoi” qui envoie des signaux en direction du lobe temporal, pour la reconnaissance de l’objet.

Les études sur des individus et des singes sourds ont montré une activité plus importante de la voie “où” pendant les expériences qui traquaient le mouvement, ce qui pourrait expliquer pourquoi les personnes sourdes ont une vision périphérique améliorée.

Karns et ses collègues voulaient savoir si les aires du cerveau responsables de l’audition étaient aussi différemment organisées chez les sourds par rapport aux personnes qui peuvent entendre [1] [2]. Dans des expériences précédentes avec des gens qui entendaient bien, quand les participants voyaient une lumière flasher dans leur vision périphérique et entendaient deux “bip” en même temps, ils vivaient l’illusion qu’ils voyaient deux flashes de lumière. L’équipe de recherche de Karns a réalisé la même expérience avec des individus sourds, excepté que les “bips” ont été remplacés par des souffles d’air sur le visage des participants.

Les personnes sourdes ont rapporté voir deux flashes de lumière quand elles sentaient deux souffles d’air, ce qui montre qu’elles utilisent le toucher de la même manière que les gens qui entendent utilisent le son : pour améliorer leur précision visuelle. “Les personnes qui entendent bien font ça tout le temps” dit Karns. “Les sourds n’ont pas de son, alors ils finissent par construire un système visuel qui est plus précis”.

Mais les améliorations des autres sens chez les personnes sourdes sont très spécifiques. Des études ont montré que la vision dans la fovéa, la partie centrale de l’œil, n’est pas meilleure chez les sourds que chez les gens qui entendent parfaitement. Et ces améliorations ne se retrouvent pas chez les gens qui deviennent sourds plus tard dans leur vie.

L’une des grandes questions qui a conduit aux recherches sur ce sujet est le fait de savoir si être sourd ou aveugle libérait certaines zones du cerveau pour d’autres sens. Des scientifiques ont trouvé que le fait de rafraichir le cortex auditif de chats sourds faisait que l’animal perdait l’avantage qu’il avait pour sa vision périphérique, ce qui suggère que ces aires cérébrales ont en effet été consacrées à la vision.

Ensembles, ces recherches sur les différences entre les cerveaux des personnes sourdes et de celles qui entendent parfaitement révèlent la plasticité du cerveau. “Il y a beaucoup d’espoir de découvrir des moyens d’entrainer nos cerveau” dit Karns. Mais les êtres humains n’ont pas développé de sens surhumains à ce jour. “Dardevil fait un bon sujet de fiction, mais il n’existera jamais dans la vraie vie” conclut-elle.

Références :

[1] Neural organization of auditory cortex in congenitally deaf adults : vision, somatosensation, and altered perception. C. Karns, Society for Neuroscience Meeting 2013, 497.04.

[2] White matter abnormalities in congenitally deaf adults : A DTI region of interest and tractography study of superior temporal cortices and Heschl’s gyrus. C. M. KARNS, M. DOW, H. NEVILLE ; Society for Neuroscience Meeting 2013, 150.03/S15.

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