Alors que les crampes aux jambes ne vont pas vous tuer, elles peuvent ruiner votre nuit de sommeil. Il n’y pas de preuves à ce jour ayant démontré l’efficacité d’un traitement en particulier, mais il y a plus de traitements vendus sur le marché qu’il n’y a de preuve de leur utilité.

Si vous avez déjà vécu la douleur d’une crampe, alors vous avez une idée de ce que la moitié des adultes de plus de 60 ans vit régulièrement : les crampes nocturnes. Une crampe nocturne peut apparaitre à la jambe, au mollet ou au pied, avec sa douleur soudaine de contracture musculaire qui peut durer de quelques secondes à plusieurs minutes, et se reproduire la même nuit. Ces crampes nocturnes peuvent interrompre une nuit de sommeil bien qu’elles ne causent pas de blessure permanente, elles peuvent réduire la qualité de la vie à cause de la douleur et de la perturbation du sommeil qu’elles engendrent.

Malgré la fréquence d’apparition de ces crampes aux jambes, on sait très peu de choses sur ce qui les cause ni sur ce qu’on peut faire pour les prévenir. En conséquence, il existe foison de remèdes médicinaux, populaires et alternatifs qui sont préconisés et utilisés à la fois par des professionnels de la santé et des patients. Une enquête a montré que la plupart des gens traite les crampes nocturnes avec des remèdes qui sont inutiles ou dangereux voire inutiles et dangereux [1]. Quelle est dans ce cas la meilleure approche quand il n’y a pas d’éléments de preuve valable ?

Les causes des crampes nocturnes aux jambes ne sont pas bien comprises. La crampe elle-même est due à une inflammation répétitive des unités motrices dans le muscle mais on ne sait pas ce qui provoque cette contraction. Alors qu’elle est souvent attribuée à un déséquilibre en électrolytes ou à la déshydratation, il ne semble pas y avoir de lien entre les deux [2]. De nombreux médicaments sont associés à des comptes rendus de crampes aux jambes (même des médicaments utilisés pour les prévenir), mais il y a très peu de preuves qui montrent que l’un ou l’autre en soit véritablement la cause.

À moins qu’une cause médicale ait été identifiée pour les crampes nocturnes, l’approche des cas idiopathiques se focalise sur la réduction de leur fréquence et de leur sévérité. La gestion immédiate d’une crampe aux jambes est le problème le plus urgent, et habituellement le fait d’étirer le muscle suffit à faire disparaître la crampe. La recommandation la plus fréquente pour éviter les crampes sans médicaments est justement de faire des étirements, et bien que les étirements (le stretching) aient été étudiés dans le cadre d’études cliniques, les éléments de preuve en leur faveur sont mitigés, avec des études contrôlées (étirements simulés) qui ont diminué l’efficacité observée de cette approche.

Il n’est donc pas étonnant qu’il existe une telle variété de compléments alimentaires et de remèdes vendus pour « prévenir » les crampes. Une enquête sur les traitements utilisés par 632 adultes âgés qui souffrent de crampes aux jambes en Alsace illustre la variété des approches [3]. Il s’agissait d’un questionnaire ayant évalué si les patients avaient des crampes nocturnes, s’ils utilisaient des thérapies et lesquelles. Sur les 632 patients, 133 (20 %) utilisaient des traitements médicamenteux ou non pour traiter environ 3 épisodes de crampes par mois.

Dans cette liste de produits, le magnésium arrive en première position, malgré le fait que les preuves ont montré qu’il ne fait pas mieux qu’un placebo [4].

La quinine est le numéro deux. La quinine semble avoir certains effets contre les crampes aux jambes, bien que les preuves soient mitigées et de qualités variables. Mais ce qu’on sait, c’est que la quinine peut causer des réactions allergiques fatales tout comme une large gamme d’autres toxicités, même à faible dose. Aux États-Unis, sa consommation a chuté de 99 % suite à des alertes sur son utilisation et des restrictions d’utilisation sévères par la FDA pour éviter tout danger [5].

L’homéopathie arrive en troisième position ! On connaît le pouvoir placebo élaboré de l’homéopathie, mais au moins les pilules homéopathiques ne tueront personne contrairement à la quinine. Le reste des traitements identifiés par les patients de cet échantillon vont des médicaments anti-inflammatoires aux antidépresseurs, et même des extraits de sangsues !

Parmi les traitements non médicamenteux, le remède populaire n°1 est le savon disposé dans le lit, suivi par un ensemble d’approches qui semblent être approuvées ou acceptées par la plupart des recommandations sur les traitements existants : les étirements, la mobilisation musculaire, la chaleur et les massages tendent tous à être recommandés mais en précisant qu’il existe très peu de preuves ayant montré qu’elles étaient efficaces.

Alors que les crampes nocturnes affectent des millions de gens, il y a peu d’information de qualité disponible pour guider les patients ou les professionnels de la santé dans leurs choix de traitements. Le grand nombre d’approches utilisées reflète la réalité que rien ne marche efficacement, et donc la perception d’un tout petit bénéfice est plus susceptible de provenir des variations aléatoires dans la fréquence des crampes que d’un réel rapport de cause à effet. L’absence de preuve est frustrante, étant donné la fréquence et le pouvoir de nuisance des crampes nocturnes. Ce domaine ne semble d’ailleurs pas faire l’objet de beaucoup de recherches, ainsi est-il fort probable que cette situation perdure encore longtemps.

Face à cette absence de preuve d’efficacité des traitements contre les crampes, il faut surtout se concentrer sur leur sécurité. Les mesures non-médicamenteuses comme les massages et les étirements semblent présenter le moins de risques, même moins que des compléments alimentaires comme le magnésium et les vitamines.

Étant donné la qualité médiocre des remèdes aux plantes vendus dans le commerce, ainsi que l’absence de preuves qu’ils fonctionnent vraiment, ils présentent donc un ratio risques sur bénéfices défavorable. C’est seulement quand les traitements non-médicamenteux ont été testés, et que les crampes nocturnes dégradent vraiment la qualité de la vie, qu’il semble que les médicaments valent la peine d’être testés. En attendant que des preuves de meilleure qualité apparaissent, il semble que nous devions lutter entre prévention et traitement des crampes nocturnes aux jambes.

Références :

[1] Treatment of nocturnal leg cramps by primary care patients over the age of 60. Family Practice, cmx062, 2017.

[2] Nocturnal Leg Cramps. Am Fam Physician. 2012 ;86(4):350-355.

[3] Treatment of nocturnal leg cramps by primary care patients over the age of 60. Family Practice, cmx062.

[4] Effect of Magnesium Oxide Supplementation on Nocturnal Leg Cramps. A Randomized Clinical Trial. JAMA Intern Med. 2017 ;177(5):617-623.

[5] Use of an active surveillance system by the FDA to observe patterns of quinine sulfate use and adverse hematologic outcomes in CMS Medicare data. Pharmacoepidemiol Drug Saf. 2014 ;23(9):911-7.

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