Pour la plupart d’entre nous simples mortels, si un objet vient vers nous à la vitesse de 200 / 240 km/h, nous serions chanceux d’avoir le temps de l’éviter. Les joueurs de tennis non seulement voient la balle arriver à cette vitesse, mais planifient où ils veulent se positionner pour leur coup en retour et font pivoter leur raquette à temps pour faire contact. A 200 km/h à 25 mètres de distance, cela laisse moins d’une moitié de seconde pour accomplir la tâche.

Comment font-ils cela ? Et bien ils sont meilleurs que vous à ce petit jeu. Mais la science a quelques réponses spécifiques à apporter.

Des chercheurs suisses ont conclu que les joueurs de tennis experts, comme leur compatriote Roger Federer, ont un avantage dans leurs capacités de perception visuelle, alors que des scientifiques anglais ont montré comment des animaux entrainés, et présumés humains, peuvent se baser sur un modèle interne supérieur de mouvement afin de prédire le chemin d’un objet se déplaçant rapidement.

Pour tout sport qui implique un objet en mouvement, les athlètes doivent apprendre les trois niveaux de réponse pour les tâches nécessitant une telle synchronisation :

 Premièrement, il y a une réaction basique, aussi connue sous le nom de “réaction optométrique” (en d’autres termes, le voir et l’éviter).

 Ensuite, il y a la réaction perceptuelle, ce qui signifie que vous pouvez effectivement identifier l’objet qui arrive vers vous, et vous pouvez le mettre en contexte (par exemple : c’est une balle de tennis qui arrive vers vous et non pas un oiseau piquant depuis le ciel).

 Finalement, il y a la réaction cognitive, signifiant que vous savez ce qui arrive vers vous et vous avez un plan sur ce qu’il faut faire (renvoyer la balle avec un effet vers la ligne droite adverse).

Cette faculté cognitive est habituellement spécifique au sport et apprise pendant des années d’un entrainement tactique. Manifestement, les joueurs professionnels de tennis se situent à une étape cognitive d’experts, et ont un plan pour la plupart des tirs.

Mais, afin d’atteindre cette étape cognitive, ils ont d’abord besoin d’avoir d’excellentes capacités optométriques et perceptives.

Leila Overney, et son équipe du Brain Mind Institute de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, ont étudié des joueurs de tennis experts pour voir s’ils avaient de meilleures capacités de perception visuelle que les autres athlètes, et que ceux qui ne jouent pas au tennis. Typiquement, la recherche sur la dextérité motrice a comparé les experts aux non-experts, et a essayé de déduire ce que les experts font différemment pour exceller.

Ils ont mis en place sept tests visuels, couvrant un large ensemble de fonctions perceptuelles comprenant le mouvement et les processus temporels, la détection des objets et l’attention, chacun nécessitant des participants qu’ils poussent des boutons selon leurs réponses aux tâches données par ordinateur, et chacun associé à un aspect particulier de la perception visuelle.

Dans cette étude, détaillée dans le Journal PLoS One [1], Overney voulait voir si les aptitudes perceptuelles des joueurs de tennis n’étaient pas seulement plus avancées que ceux qui ne jouent pas au tennis, mais aussi que d’autres athlètes d’un niveau de forme physique équivalent (ici des triathlètes), pour éliminer tout bénéfice revenant à une bonne condition physique.

Pour éliminer la différence cognitive entre les groupes, elle a utilisé sept tests visuels non sportifs qui mesuraient différentes formes de perception comprenant les processus de mouvement et temporels, la détection d’objets et l’attention. Les participants regardaient les objets sur un écran d’ordinateur et poussaient des boutons selon les instructions spécifiques du test.

Les joueurs de tennis ont montré avoir des avantages significatifs dans les tests de vitesse et de mouvement, tandis qu’ils n’étaient pas meilleurs dans les autres catégories.

“Nos résultats suggèrent que le processus de la vitesse et le processus temporel sont souvent plus rapides et plus précis chez les joueurs de tennis” écrit Overney. Ils ont de meilleurs scores que leurs pairs, les triathlètes. “C’est précisément pourquoi nous avons ajouté le groupe de triathlètes comme groupe contrôle, parce qu’ils s’entrainent aussi dur que les joueurs de tennis, mais ont une exigence de processus visuel plus faible dans leur sport.”

Les joueurs de tennis comptent-ils seulement sur leur avantage visuel quand il leur reste une demi-seconde pour agir ? Leurs années de pratique ont-elles créé un modèle cognitif interne qui anticipe et prédit le cheminement d’un objet ?

Nadia Cerminara a travaillé sur la question. Cerminara, de l’Université de Bristol, a réalisé une expérience, publiée dans le Journal of Physiology [2], qui enseignait aux chats domestiques d’atteindre une cible en mouvement avec leurs pattes. S’ils réussissaient à toucher la cible, ils recevaient une récompense.

Après avoir entrainé les chats pour qu’ils y arrivent, elle a enregistré l’activité neuronale de leur cervelet latéral. Puis, elle a encore mesuré l’activité mais en bloquant la vision des chats durant 200 à 300 millisecondes pendant qu’ils réalisaient la tâche. Malgré l’absence d’information visuelle, l’activité neuronale restait la même qu’avant. Cerminara conclut qu’un modèle interne avait été utilisé pour faire un pont et boucher le fossé, et fournir une prédiction du lieu où se situait l’objet.

Ainsi, face à un service puissant, la science suggère que des joueurs comme Federer non seulement font confiance dans leur dextérité perceptuelle supérieure, mais ont aussi créé une simulation interne plus rapide du vol de la balle, qui peut les aider à la positionner pour un retour gagnant.

Références :

[1] Enhanced Temporal but Not Attentional Processing in Expert Tennis Players. L. Overney, O. Blanke1, M. Herzog. PLoS One.

[2] An internal model of a moving visual target in the lateral cerebellum. Journal of Physiology. 587, 429-442.

A lire également