Lorsque vous chaussez vos baskets préférées, il se pourrait que vous alliez à l’encontre de l’évolution.

Une étude [1] suggère que les chaussures de course modernes ont modifié la façon qu’ont les gens de courir. En altérant notre démarche de la course pieds nus, i.e. la manière dont ont couru nos ancêtres pendant des milliers d’années avant l’arrivée des chaussures confortables qu’on trouve sur les rayons des magasins.

L’étude a montré que les coureurs pieds nus tendaient à heurter le sol avec leurs orteils en premier, un style qui minimise les forces qui frappent le corps, tandis que les gens avec les chaussures de course ont largement adopté un style où le talon frappe le sol en premier, ce qui peut signifier beaucoup de forces sur le corps.

Alors que plusieurs études ont comparé les coureurs pieds nus à ceux qui courent avec des chaussures, l’étude publiée dans le journal Nature, est la première à inclure des analyses de coureurs n’ayant jamais porté de chaussures modernes, expliquent les chercheurs.

Les êtres humains ont commencé à porter des chaussures de course récemment, tradition qui l’a emporté il y a une quarantaine d’années. Avant cela, les gens couraient soit pieds nus ou portaient des chaussures qui semblaient n’apporter qu’une faible protection contre le sol, comme des sandales ou des mocassins.

Pendant pratiquement tout ce temps, les gens ont débattu pour savoir ce qui était le mieux. Alors que la présente étude ne clos pas le débat, elle apporte des données sur les effets physiologiques des chaussures de course.

Les chercheurs ne suggèrent pas aux coureurs de se débarrasser de leurs chaussures. Pour l’un d’eux, ce la peut prendre du temps pour s’habituer à courir pieds nus, et cela implique des muscles plus forts, ainsi le changement peut provoquer des tendinites.

Talon-orteils ou orteils-talon ?

Quand vous courez, chaque pas produit des forces sur le corps, causées par l’impact de votre pied qui entre en collision avec le sol. Si vous tapez le sol avec votre talon en premier, cette force d’impact est très importante, de plusieurs fois votre poids et sur une période de temps très courte.

“C’est comme si quelqu’un vous frappait sur le talon avec un marteau deux ou trois fois votre poids de corps” dit le chercheur Daniel Lieberman, professeur de biologie évolutionniste humaine à l’Université de Harvard.

Les coureurs modernes qui portent des chaussures, heurtent habituellement le sol avec leur talon en premier, bien que la semelle rembourrée sur le talon réduise cette force d’impact. Mais étant donné que nous n’avons pas toujours eu cette protection du talon, Lieberman et ses collègues voulaient savoir comment les êtres humains étaient capables de supporter ces forces quand ils couraient pieds nus.

Ils ont examiné les styles de course à pieds de cinq groupes différents : des athlètes des Etats-Unis qui portaient toujours des chaussures ; des athlètes du Kenya qui ont grandi en courant toujours pieds nus, mais qui portent maintenant des chaussures ; des coureurs américains qui portaient des chaussures, mais qui sont maintenant pieds nus ; et des coureurs pieds nus qui soit portent toujours des chaussures ou soit n’en ont jamais portées.

Ils ont vu que les coureurs qui utilisaient des chaussures frappaient le plus souvent le talon en premier sur le sol, même quand ils couraient pieds nus. Ces individus qui ont grandi en courant pieds nus, ou qui ont abandonné les chaussures, atterrissent habituellement sur le sol sur leurs doigts de pieds en premier.

Les coureurs pieds nus, y compris ceux qui ont grandi sans chaussures et ceux qui sont récemment passés pieds nus, atterrissent parfois sur le milieu de leur pied aussi, mais ils étaient moins susceptibles de retomber sur leur talon.

Lieberman et ses collègues ont aussi comparé les forces d’impact générées quand les coureurs heurtaient le sol avec leur talon en premier contre leurs orteils. Ils ont découvert que quand le talon tape en premier, cela cause une grande force d’impact, et cette force était même plus grande si les coureurs ne portaient pas de chaussures. Au contraire, il n’y avait presque pas de force de collision si les coureurs atterrissaient sur leur pied antérieur.

Les chercheurs pensent que les coureurs pieds nus atterrissent sur leurs orteils, ou le milieu de leurs pieds, pour éviter l’impact qu’ils ressentiraient s’ils atterrissaient sur leur talon. Ils ont décrit les coureurs pieds nus qui appuient sur leurs orteils davantage à chaque pas, ce qui diminue efficacement le poids du pied qui s’arrête brutalement à ce moment. L’appui sur les orteils se traduit en un pas plus souple, qui peut aussi réduire les forces.

“Nous supposons que c’est comme ça que couraient les gens avant l’avènement des chaussures de course avec talons surélevés” dit Lieberman.

Marcher pieds nus

Lieberman précise que courir pieds nus n’a pas montré avoir de conséquences fâcheuses au niveau des blessures, ni que cela ait réduit les blessures corporelles. Cependant, Lieberman note qu’une récente étude sur le sujet a montré que les chaussures de course modernes n’empêchaient pas les blessures.

Alors que des preuves anecdotiques ont montré que heurter le sol avec vos orteils, ou le milieu du pied, en premier pouvait aider à réduire les blessures, telles que ruptures d’effort ou au genou, il faudrait plus d’études pour déterminer si ce type de course diminue réellement les taux de blessures, dit-il.

Certains affirment que courir pieds nus sur des surfaces dures et synthétiques n’est pas bon pour le corps. “Vous courrez sur quelque chose de dur, votre corps doit travailler plus difficilement pour absorber ces forces, et cela peut conduire à des tensions et des entorses” dit le Dr Casey Kerrigan, professeur de médecine physique et de réhabilitation.

Mais Lieberman déclare que ce n’est pas le cas. Étant donné que les coureurs pieds nus atterrissent le plus souvent sur leurs orteils, les forces de collision sont virtuellement éliminées. Ce résultat reste vrai quand les participants de l’étude couraient sur des plaques en acier.

Il affirme : “vous pouvez courir pieds nus, ou avec des petites chaussures, sur les surfaces les plus dures et ne générer presque qu’aucune force de collision.”

Bien entendu, quand il s’agit de courir sur des surfaces rocailleuses, coupantes ou irrégulières, les chaussures restent la meilleure protection contre les blessures externes.

Références :

[1] Foot strike patterns and collision forces in habitually barefoot versus shod runners. Nature. 463, 531-535.

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