Quand il s’agit de maigrir, une calorie est une calorie. C’est le mantra des nutritionnistes, des diététiciens et autres autorités de régulations aux États-Unis et en Europe depuis plus d’un siècle. Mais quand il s’agit de comparer la nourriture crue et la nourriture cuite, ou des haricots avec les céréales du petit-déjeuner, ce mode de pensée pourrait être incorrect. C’est le consensus auquel est arrivé un comité de chercheurs qui ont énuméré les nombreuses façons par lesquelles les mathématiques ne calculent pas toujours correctement les calories sur les étiquettes des produits alimentaires, présenté lors de la conférence de l’AAAS (American Association of the Avancment of Science). “Notre système actuel d’évaluation des calories est certainement faux” dit le biologiste évolutionniste Richard Wrangham de l’Université de Harvard.

Dans un large débat sur la façon dont la nourriture est digérée dans les êtres vivants, depuis les êtres humains en passant par les rats et jusqu’aux pythons, le groupe de chercheurs a analysé un nouvel ensemble d’études qui a montré que les aliments étaient transformés différemment quand ils passaient de notre œsophage vers notre intestin et au-delà. Ils sont tombés d’accord sur le fait que le total des calories nettes pour de nombreux aliments est faussé parce qu’ils n’ont pas pris en compte l’énergie utilisée pour digérer les aliments, la bouchée que la bactérie orale et celle de l’intestin arrachent des différents aliments, ou les propriétés des différents aliments eux-mêmes qui accélèrent ou ralentissent leur voyage à travers les intestins, comme le fait d’avoir été cuits ou résistants à la digestion.

Le processus utilisé pour estimer les calories des aliments a été développé au tournant du 19° et 20° siècle par Wilbur Atwater. Il s’agissait d’un simple système de calcul de quatre calories pour chaque gramme de protéine, neuf calories pour chaque gramme de lipide, et quatre calories pour chaque gramme de sucre (modifié plus tard par d’autres pour y ajouter deux calories pour un gramme de fibres).

Bien qu’il ait été utile pour approcher les couts énergétiques du métabolisme de nombreux aliments, ses lacunes sont connues depuis des décennies, et certains pays, comme l’Australie, ont passé ce système à la trappe parce qu’il est imprécis et peu pratique, d’après Geoffrey Livesey, biochimiste nutritionnel.

L’un des domaines dans lequel le système n’est pas précis, rapporte Wrangham, se situe dans l’estimation des calories pour les aliments cuits. Les produits cuits sont souvent listés comme ayant plus de calories que les aliments crus, pourtant, le processus de la cuisson de la viande gélatinise les protéines de collagène dans la viande, les rendant plus faciles à mâcher et à digérer, ainsi cela prend moins de calories à manger. La chaleur dénature aussi les protéines dans les légumes comme les pommes de terre, dit la biologiste évolutionniste de l’Université de Harvard Rachel Carmody, qui a étudié l’énergie de la digestion.

La façon dont les aliments sont transformés peut aussi les rendre plus faciles à digérer. Prenez l’amidon “résistant” dans les grains de céréales, comme le grain d’orge, ou les haricots, qui prennent une longue période de temps pour être digérés. Mais les mêmes céréales moulues dans la farine ou transformées dans des céréales du petit-déjeuner ou des flocons d’avoine instantanés, et elles deviennent plus faciles à digérer, explique Klaus Englyst, biochimiste en nutrition. C’est pourquoi, “le pain est plus rapidement digéré, et les haricots plus lentement”, dit-il.

Des nouvelles études ont aussi découvert que les bactéries dans l’intestin réagissaient différemment aux aliments transformés et cuits. Les scientifiques ont rapporté avoir découvert des différences essentielles dans les types de communautés bactériennes des souris, selon qu’elles étaient nourries par de la viande crue ou cuite. “L’aliment que vous mangez a un énorme impact sur les bactéries de l’intestin, et en retour sur l’énergie de la digestion” dit Carmody.

Alors pourquoi cela a-t-il de l’importance ? Parce que nous sommes au beau milieu d’une épidémie d’obésité, et que le fait de compter les calories est trompeur. La façon dont le corps transforme les différents aliments de différentes façons a de l’importance. “La qualité des calories est aussi importante que la quantité de calories”, disent-ils. Alors que d’autres scientifiques, ne faisant pas partie du comité, ont accueilli avec satisfaction cette application d’une “meilleure science” au problème de la perte de poids, ils ont aussi mis en garde contre le fait de trop s’inquiéter d’un décompte trop précis des calories.

“Vous pouvez faire beaucoup d’efforts pour que le décompte des calories soit plus précis” dit le nutritionniste Christopher Gardner de l’Université de Stanford. “Mais est-ce bien utile ? Est-ce que cela fera une grande différence ? Si vous voulez maigrir, vous devrez toujours diminuer la quantité de calories ingérées”. Quelques calories de plus ici ou là peuvent ne faire aucune différence pour la plupart des gens. Mais pour ces scientifiques, la moindre petite bouchée compte.

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