Depuis le litre et demi d’eau par jour jusqu’aux boissons protéinées, nous sommes constamment bombardés de messages sur ce que nous devrions boire et quand, notamment pendant l’exercice. Mais ces dogmes sur les boissons à avaler sont relativement récents. Par exemple, dans les années 1970, on déconseillait aux coureurs de marathons de boire de peur que cela les ralentisse.

Désormais nous sommes obsédés par l’hydratation quand nous faisons de l’exercice, non pas seulement d’eau mais avec des boissons spécialisées qui affirment qu’elles permettront de mieux prévenir la déshydratation et même qu’elles amélioreraient la performance athlétique. Pourtant, les preuves de bénéfices de ces boissons sont plutôt maigres. Elles pourraient même être mauvaises à la santé dans certains cas. Alors comment les boissons sportives sont-elles devenues si importantes pour les sportifs ?

La plupart de cette obsession de l’hydratation peut être attribuée à l’explosion de la course à pieds, qui a commencé avec la popularisation des marathons et notamment celui de New York dans les années 1970. Les fabricants de boissons énergétiques et sportives ont senti le filon et ont lancé des produits spécialisés pour les futurs athlètes. Le premier exemplaire expérimental de boisson sportive Gatorade coutait 30 euros à produire [1] mais a généré un marché de plusieurs millions. La consommation de ce genre de produits est en augmentation constante, ce qui en fait l’un des secteurs qui progresse le plus dans le domaine des boissons sans alcool. Ce qui n’était à l’origine qu’une mixture de cuisine est devenu ensuite l’un des éléments essentiels de l’équipement sportif [2].

La victoire du marketing

La clé derrière cette explosion réside dans l’association entre la science et le marketing. Une étude du British Medical Journal a découvert que les sociétés qui fabriquent ces boissons ont commencé par financer des scientifiques pour qu’ils dirigent des études sur l’hydratation, devenu un nouveau domaine de la science. Ces mêmes scientifiques conseillent en retour des organisations médicales sportives influentes, en développant des recommandations qui ont fini par devenir des recommandations provenant de corps d’autorités comme l’European Food Safety Authority (EFSA) et le Comité Olympique International. De tels conseils ont permis de répandre cette crainte sur les dangers de la déshydratation.

L’une des plus grandes réussites de cette industrie était de faire passer l’idée que le système naturel de la soif du corps n’était pas un mécanisme parfait pour ce qui est de détecter et de réagir face à la déshydratation. Cela comprend des déclarations comme : “le mécanisme humain de la soif est un indicateur à court terme imprécis de nos besoins en fluide […] malheureusement il n’y a pas de signal physiologique clair que la déshydratation apparait.”

En conséquence, des organisations sanitaires donnent régulièrement le conseil d’ignorer les signaux naturels provenant du mécanisme de la soif. Elles font des déclarations comme “buvez régulièrement par petites quantités, même si vous n’avez pas soif, environ 150 ml de fluide toutes les 15 minutes, car la déshydratation affecte de façon importante la performance.”

Les fabricants de boissons affirment que le sodium présent dans ces boissons vous donne soif, et que cela vous pousse à consommer un volume plus important de liquide par rapport à de l’eau. Ils affirment aussi que ces boissons vous permettent de retenir plus de liquide une fois consommées, à partir de l’observation selon laquelle les glucides qu’il y a dans ces boissons permettent l’absorption de l’eau depuis l’intestin grêle.

Cela impliquerait que vos mécanismes de la soif aient besoin d’être stimulés pour vous encourager à boire suffisamment. Mais la recherche a montré que la soif naturelle est un élément déclencheur plus fiable que cela. Une revue de la recherche disponible [3] sur les temps de cyclistes lors d’une épreuve a conclu que le fait de faire confiance en sa soif pour jauger le besoin en fluides était la meilleure stratégie. Cette méta-analyse a montré que le fait de boire selon sa soif va maximiser la performance en endurance.

En outre, beaucoup des affirmations faites à propos des boissons sportives sont souvent répétées par les médias et les sportifs ou les entraineurs sans aucune référence pour en démontrer la fiabilité et la véracité. Une analyse du British Medical Journal [4] a passé en revue 1 035 pages internet sur les boissons sportives et a identifié 431 affirmations selon lesquelles elles amélioreraient la performance athlétique pour un total de 104 produits différents. Plus de la moitié des sites ne fournissait pas de références, et parmi les références qui étaient données, ils étaient incapables d’identifier systématiquement les forces et les faiblesses. Sur la moitié restante, 84% faisaient référence à des études jugées à fort risque de biais, seules trois étaient considérées comme de bonne qualité et aucune ne faisait référence à des revues systématiques, qui sont la forme de preuve la plus solide.

Plus de mal que de bien ?

L’un des principaux problèmes avec beaucoup de ces études sur les bénéfices des boissons sportives est qu’elles recrutent des volontaires déjà très entrainés qui peuvent supporter un entrainement à intensité élevée pendant de longues périodes. Mais la grande majorité des utilisateurs de boissons sportives s’entrainent quelques heures par semaine ou font de l’exercice à une intensité relativement faible (par exemple de la marche au lieu de courir pendant une course). Cela signifie que les preuves actuelles ne sont pas d’une qualité suffisamment élevée pour informer le public sur les bénéfices qui proviennent des boissons sportives [5].

Plus important encore, comme les boissons sportives gagnent en popularité même chez les enfants, elles pourraient contribuer à augmenter les niveaux d’obésité. Une bouteille de 500 ml d’une boisson sportive typique contient environ 20 grammes de sucre (environ 5 cuillères à café) ce qui représente une grande quantité de calories qui entre dans le corps. Mais le fait que les athlètes de haut niveau en fassent la promotion et toutes ces affirmations sur l’hydratation ont fait que les associations nocives des boissons sportives ont été ignorées par de nombreuses personnes. Une étude a trouvé que plus d’un quart des parents croyait que les boissons sportives étaient bonnes pour la santé de leurs enfants [6].

Cela ne veut pas dire que la recherche sur l’hydratation avec différents types de boissons n’est pas utile. Par exemple, cela peut permettre d’identifier quelles boissons aident le corps à retenir les fluides le plus longtemps [7]. Ceci serait très utile dans des situations dans lesquelles les athlètes ont un accès limité aux fluides ou ne peuvent pas s’arrêter toutes les dix minutes pour aller aux toilettes.

Mais les preuves actuelles ne sont pas assez solides pour informer le public sur les bénéfices et les dangers des produits sportifs. Ce dont nous pouvons être pratiquement sûr c’est que les boissons sportives n’aident pas les coureurs occasionnels à devenir des athlètes olympiques. En fait, s’ils évitent ces boissons chargées en sucres, ils seraient sans doute plus minces et donc plus rapides.

Références :

[1] The truth about sports drinks. BMJ.

[2] The truth about sports drinks. BMJ.

[3] Br J Sports Med. 2011 Nov ;45(14):1149-56. 2011. Effect of exercise-induced dehydration on time-trial exercise performance : a meta-analysis. Goulet ED.

[4] BMJ Open 2012 ;2:e001702. The evidence underpinning sports performance products : a systematic assessment.

[5] The evidence underpinning sports performance products : a systematic assessment. BMJ Open 2012 ;2:e001702.

[6] Parents’ beliefs about the healthfulness of sugary drink options : opportunities to address misperceptions. Public Health Nutrition : 19(1), 46–54.

[7] A randomized trial to assess the potential of different beverages to affect hydration status : Development of a beverage hydration index. American Journal of Clinical Nutrition 103(3),2015.

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