Pour se donner un coup de fouet, les choix des sportifs amateurs auparavant étaient assez limités, car sans parler des produits dopants, le café était alors le produit phare. Il en était de même pour tous ceux à la recherche d’un stimulant pour une raison ou pour une autre. Mais depuis plusieurs années est apparue sur le marché une autre catégorie de produits au marketing bien aiguisé : les boissons énergisantes. Ciblant les étudiants, les sportifs et toute autre personne à la recherche d’un coup de fouet mental ou physique, ces boissons constituent désormais un énorme marché.

Le café ne contient effectivement qu’un seul ingrédient thérapeutique : la caféine. Sa pharmacologie est bien documentée, et ses effets physiologiques sont bien connus. Les données sur sa sûreté ne sont pas trop à craindre car il n’est pas dangereux pour la santé [1], et il est même peut-être bénéfique. En comparaison, les boissons énergétiques constituent une catégorie confuse de produits, avec toute une gamme d’ingrédients comprenant de la caféine, des acides aminés, des vitamines et autres substances “naturelles” et “alicaments” assortis, noyés habituellement dans un mélange sucré et aromatisé (bien que des versions sans sucres existent).

Étant donné que de nombreux produits contiennent des éléments chimiques avec des effets pharmacologiques potentiels, il est important d’en comprendre les risques, les effets secondaires et leurs implications potentielles sur une médication.

Les boissons énergisantes sont-elles donc seulement des systèmes de distribution de caféine aromatisée ? Ou bien ces suppléments sirupeux devraient-ils être traités comme des médicaments ?

Le message publicitaire

Les publicités sont séduisantes. Qui ne voudrait pas avoir plus d’énergie ? Qui ne voudrait pas voir son esprit et son corps en pleine “vitalité” ? D’abord réservées aux sportifs, les boissons énergisantes sont maintenant vendues principalement aux adolescents et aux jeunes adultes.

Par le biais d’un sponsoring omniprésent des événements sportifs, et avec des noms agressifs comme “Burn”, “Rockstar” voire même “Cocaine”, elles veulent présenter une image “extrême”. Le marché est même segmenté en produits pour les femmes, les végétariens, les diabétiques, les malades cœliaques et autres. A chacun sa cannette !

Les ingrédients

Evaluer les déclarations sur l’efficacité et la sécurité est compliqué à cause des multiples formules et versions des produits. Mais la plupart des boissons énergisantes contiennent ces ingrédients :

Le Ginseng : il est souvent déclaré que le ginseng a des propriétés remarquables, de la prévention des rhumes jusqu’au stimulant immunitaire ou sexuel. Mais il existe très peu de preuves à l’appui de ces affirmations. Les études qui ont spécifiquement analysé les effets du ginseng sur la performance n’ont rien d’impressionnant [2] [3]. En outre, les doses qui ont été étudiées dépassent largement les quantités qu’on trouve dans les boissons énergisantes [4]. A faible dose, le ginseng semble être sans danger, mais il n’y pas assez de données sur le long terme pour nous rassurer.

La Taurine : c’est un acide aminé qui est abondant dans notre alimentation, et peut aussi être fabriqué par le corps. La taurine est impliquée dans tout une gamme de fonctions physiologiques. Ce que nous ne savons pas avec précision, c’est si les suppléments de taurine exogène (qui viennent de l’extérieur) ont un effet important sur les mesures de l’énergie subjective ou objective ou la performance. Il y a peu de données ayant évalué la taurine en association avec la caféine [5], les preuves solides manquent. Cependant, la taurine semble être assez bien tolérée avec peu d’effets secondaires rapportés ou attendus.

Le Glucuronolactone est un ingrédient naturel de l’alimentation pour lequel il n’existe aucune preuve d’une quelconque carence, ni de preuve que le prendre en supplément améliorera les niveaux d’énergie. Sa consommation dans les niveaux constatés dans les boissons énergisantes est considérée comme sans danger [6].

L’Orange amère est l’épluchure ou de l’huile provenant des oranges de Séville. Elle est devenue un ingrédient populaire dans les compléments alimentaires après que l’éphédra ait été interdite de vente. C’est une source naturelle de composés ressemblant à l’éphédra, elle partage le même profil d’effets secondaires, avec des épisodes sérieux de syncope [7], crise cardiaque [8], colite [9], et attaques [10]. Il n’y a pas de preuves convaincantes qui démontrent que l’orange amère apporte ni stimule l’énergie, tout spécialement dans les faibles doses présentes dans les boissons énergisantes. Cependant, étant donné que l’orange amère est habituellement associée à d’autres stimulants, le véritable profil pharmacologique, et les effets secondaires qui en découlent, pourraient ne pas être très clairs.

La caféine et le guarana (source naturelle de caféine) sont les ingrédients les plus fréquents dans les boissons énergisantes. La caféine a tout un ensemble d’effets physiologiques, et tandis qu’elle semble avoir le pouvoir d’améliorer l’endurance et de réduire la fatigue pendant un exercice physique soutenu, son rôle en tant que stimulant cognitif semble être plus ténu. Elle semble améliorer l’efficacité des analgésiques, et pourrait même avoir ses propres propriétés analgésiques. En général, la caféine a un profil de sécurité raisonnable à des doses modérées.

Alors que la quantité totale de caféine dans une boisson énergisante pourrait ne pas être notée, le café contient plus de caféine que de nombreuses boissons énergisantes. Un grand café de 47cl contient 320 mg de caféine, une tasse de 60 cl en a 400 mg. En comparaison, une canette de Red Bull en contient 151 mg pour 47cl, Rockstar 160 mg et un Coca Cola de 57 cl en contient 62mg. Si vous estimez que la caféine est une bonne source de stimulant, alors les boissons énergisantes ne sont pas la meilleure boisson. Même fabriquée à partir du guarana, les simples cafés sont toujours les rois de la caféine.

Les vitamines se retrouvent dans de nombreuses boissons énergisantes, souvent sous forme d’association de vitamines B comme la B12 (cobalamine), la B3 (niacinamide), la B5 (l’acide pantothénique) et la B6 (pyridoxine). La vitamine C est aussi fréquente. Or en l’absence de carence de vitamine C, il n’y a aucune preuve convaincante qu’en prendre en supplément aura des effets sur l’énergie. Même l’utilisation à long terme des vitamines B n’a pas d’effet sur la cognition.

Le sucre est un élément majeur des boissons énergisantes, bien que des versions sans sucre existent. En termes de chimie stricte, tout comme les hydrates de carbone, le sucre est la seule énergie dans les boissons énergisantes. Le contenu en sucres de la plupart des produits semble être très proche de celui des colas et autres sodas. Ainsi, si votre objectif est de vous charger en sucres, les boissons énergétiques sont ici aussi inutiles, le sucre suffira comme apport en calories.

Les risques

Les effets secondaires associés aux boissons énergisantes semblent être largement dus aux contenus en caféine. Les seuils sont difficiles à prévoir étant donné que la tolérance à la caféine peut varier d’un individu à un autre. En général, les quantités de taurine, de guarana et des autres composants sont en-dessous des niveaux nécessaires pour causer des effets secondaires notables [11]. Alors qu’il y a eu comptes-rendus à propos de crises d’épilepsie et de décès brutaux avec des boissons énergisantes, les relations causales n’ont pas été clairement établies.

Le plus grand sujet de polémique concerne sans doute la consommation de ces boissons par les jeunes et les adolescents, où les effets de la caféine sont moins bien connus. Ajoutons à cela que certains produits, mélangeant sucres, vitamines et autres, qui affirmaient pouvoir réduire le taux d’alcoolémie ont été interdits de publicité, car la véracité de leurs affirmations n’a jamais été démontrée.

Conclusion

Ni inoffensives ni toxiques, les boissons énergisantes semblent être sans danger pour les adultes quand elles sont consommées avec modération. Il n’existe pas de preuve convaincante qu’elles soient capables de restaurer ni améliorer les performances athlétiques ou cognitives. Malgré l’impressionnante liste d’ingrédients et le marketing qui gravite autour, ces produits sont essentiellement des véhicules délivrant de la caféine, dont la plupart sont chargés en sucres. Le risque provenant des autres ingrédients n’est pas encore parfaitement connu, mais il est probablement faible dans le cadre d’une consommation occasionnelle.

Références :

[1] The Relationship of Coffee Consumption with Mortality. Annals of Internal Medicine, vol. 148 no.12 904-914.

[2] The efficacy of ginseng. A systematic review of randomised clinical trials. B. K. Vogler, M. H. Pittler, E. Ernst, European Journal of Clinical Pharmacology, Vol 55, N° 8, 567-575.

[3] No evidence for ginseng. Bandolier.

[4] Clauson, K., Shields, K., McQueen, C., Persad, N. (2008). Safety issues associated with commercially available energy drinks. Journal of the American Pharmacists Association, 48 (3).

[5] An evaluation of a caffeinated taurine drink on mood, memory and information processing in healthy volunteers without caffeine abstinence. Psychopharmacology (Berl). 2001 Nov ;158(3):322-8.

[6] EFSA adopts opinion on two ingredients commonly used in some energy drinks. EFSA.

[7] Exercise-induced syncope associated with QT prolongation and ephedra-free Xenadrine. Mayo Clin Proc. 2004 ; 79(8):1059-62.

[8] Possible association of acute lateral-wall myocardial infarction and bitter orange supplement. Ann Pharmacother. 2004 May ;38(5):812-6. Epub 2004 Mar 16.

[9] Ischemic colitis associated with use of a bitter orange-containing dietary weight-loss supplement. Mayo Clin Proc. 2006 Dec ;81(12):1630-1.

[10] Ischemic stroke associated with use of an ephedra-free dietary supplement containing synephrine. Mayo Clin Proc. 2005 Avr ;80(4):541-5.

[11] Clauson, K., Shields, K., McQueen, C., Persad, N. (2008). Safety issues associated with commercially available energy drinks. Journal of the American Pharmacists Association, 48 (3).

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