Les coureurs moins efficaces brûlent plus d’énergie et génèrent plus de chaleur.

Une étude a été publiée dans le Journal of Applied Physiology [1], par des chercheurs de l’Université d’Ottawa, qui a analysé l’interaction entre la forme physique et l’économie de la course sur les réponses thermorégulatrices (c’est-à-dire la quantité de chaleur dégagée et la quantité de transpiration) pendant la course à pieds.

Il y a une croyance largement partagée selon laquelle les gens qui sont en meilleure condition physique transpirent plus. On pensait qu’il s’agissait d’une réponse adaptative : quand vous êtes en meilleure forme, votre corps est plus efficace pour vous rafraîchir. Mais est-ce vrai ? Ces dernières années, les chercheurs ont percé ce “mystère” grâce à des études qui ont comparé des sujets qui avaient un même niveau de forme physique mais différentes tailles de corps, ou des sujets qui avaient des tailles de corps identiques mais différents niveaux de condition physique.

Or il s’avère que, dans des études sur des cyclistes du moins, ce qui importe le plus est la vitesse à laquelle vous pédalez (et combien vous pesez). C’est pourquoi, les individus les plus en forme semblent transpirer plus quand on fait des études à une intensité relative fixe (par ex. à 60 % du VO2max) : les sportifs bien entrainés pédalent en fait plus vite, et génèrent de ce fait plus de transpiration.

C’est assez simple en cyclisme, où on peut avoir des sujets qui pédalent à une puissance fixe et voir que tout le monde génère une quantité de chaleur similaire. Mais est-ce que cela peut s’appliquer à la course à pieds ? Si on règle un tapis de course à 10,5 km/h, est-ce que tout le monde va générer de la chaleur au même niveau, ou est-ce que les mieux entrainés vont mieux le gérer ? Le facteur supplémentaire à prendre en compte est l’économie de course. Alors que la plupart des cyclistes a une économie sur le vélo relativement identique, l’économie de course à pied varie entre les individus jusqu’à 30 % – ce qui veut dire qu’en courant à une vitesse donnée, le “moteur” de certaines personnes doit brûler jusqu’à 30 % de chaleur en plus, ce qui peut les échauffer davantage et les faire plus transpirer.

L’étude citée est en deux parties. Dans la première partie, les scientifiques ont comparé sept sujets qui avaient une consommation d’oxygène élevée (VO2max à 61 ml/kg/min en moyenne) et sept qui avaient une consommation d’oxygène basse (VO2max à 45 ml/kg/min en moyenne) qui étaient équivalents sur des caractéristiques telles que la taille, le poids et la surface du corps, et avaient aussi des économies de course identiques. Dans l’une des études, ils ont couru à des rythmes individualisés calculés pour produire une production métabolique de chaleur de 640 watts, et leurs réponses thermorégulatrices étaient pratiquement les mêmes. Mais quand ils courraient à la même intensité relative de 60 % du VO2max, voici ce qu’ils ont trouvé :


Les cercles sombres sont le groupe en meilleure condition physique, et les cercles clairs sont le groupe le moins en forme, qui affichent l’augmentation de la température rectale. Il est certain que le groupe le mieux entraîné chauffe plus (et transpire plus) parce que les participants courraient plus vite.

Dans la seconde expérience, ils ont comparé sept sujets qui avaient une économie de course élevée (189 ml/kg/km) et sept qui avaient une économie de course basse (222 ml/kg/km) qui étaient équivalents entre eux sur leurs caractéristiques physiques et leur VO2max. Une fois encore, quand ils courraient à une allure qui produisait la même chaleur métabolique, leurs réactions thermorégulatrices étaient les mêmes. Mais quand ils courraient sur un tapis de course à la même vitesse de 10,5 km/h, ils avaient des résultats largement divergents même s’ils avaient tous une condition physique similaire :


Dans ce cas, les cercles sombres sont le groupe à économie élevée et les cercles clairs sont le groupe à faible économie (celui qui brûle plus d’énergie à un rythme identique).

Que peut-on retirer de tout cela ? L’objectif principal de l’étude était d’apporter des éléments au débat méthodologique sur la façon correcte d’étudier l’exercice physique dans des conditions de chaleur. Mais pour la majorité d’entre nous, le second graphique peut servir d’illustration plutôt rigoureuse sur l’effet de l’économie de la course à pied. Il y a deux groupes de coureurs qui ont la même condition physique (VO2max) et les mêmes caractéristiques physiques, tous courent au même rythme – mais l’un des groupes brûle plus d’énergie et chauffe plus vite. La conclusion est que le mieux sera d’améliorer son économie de course, ce qui est évidemment plus facile à dire qu’à faire !

Références :

[1] Running economy, not aerobic fitness, independently alters thermoregulatory responses during treadmill running. Smoljanic J, Morris NB, Dervis S, Jay O. J. Appl. Physiol. 2014.

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