Le fait de courir sous une forte chaleur et dans l’humidité augmente la perception de l’effort et diminue la performance, mais est-ce que cela modifie l’utilisation du carburant du corps humain ?

Le fait de courir à 10km/h pourrait être un rythme facile dans un environnement frais, ayant pour résultat de brûler principalement des acides gras. Cependant, si vous courrez à un rythme de 10km/h dans des conditions de chaleur et d’humidité, est-ce que cela va modifier le ratio de graisses/sucres que vous brûlerez et augmentera votre besoin en hydrates de carbone ?

Quelques bases pour commencer. En général, on brûle un mélange de graisse et de sucres quand on fait de l’exercice. Plus l’exercice est intense et plus ce “mélange” penche en faveur des sucres et s’éloigne des graisses. Ainsi, la première réponse approximative dirait qu’étant donné que courir à 10 km/h exige une intensité plus importante dans des conditions chaudes que dans des conditions froides, on pourrait s’attendre à brûler une plus forte proportion de sucres dans la chaleur.

Mais la chaleur affecte le corps de beaucoup de façons différentes, ainsi nous devons nous demander si les préférences de carburant du corps changent dans des conditions chaudes. Il s’avère que c’est le cas. Comme cette étude Espagnole de 2010 l’a remarqué [1] :

Faire de l’exercice physique dans la chaleur (40°C) augmente l’oxydation du glycogène des muscles et réduit l’oxydation des graisses de tout le corps (Febbraio et al. 1994), en comparaison d’un exercice de même intensité réalisé à une température de 20°C.

Cela rend cet effet encore plus prononcé : non seulement le fait de courir quand il fait chaud augmente l’intensité (ce qui augmente le ratio sucres/graisses), mais cela augmente aussi le ratio sucres/graisses à la même intensité. Nous pouvons donc dire que le fait de courir à 10 km/h dans la chaleur brûle une plus forte proportion d’hydrates de carbone et une proportion plus faible de graisses que de courir au même rythme dans des conditions plus fraiches.

Cela veut dire que si nous programmons une longue course à pieds dans la chaleur et voulons calculer les besoins en sucres, il faudra prendre en considération une légère augmentation comparé à ce qu’on utilise dans des conditions plus froides (bien qu’il vaudrait mieux programmer son entrainement en partant sur l’intensité plutôt que sur le rythme, c’est-à-dire de ralentir quand il fait trop chaud).

À partir de ceci, est-ce que cet élément (la chaleur) est important quand on veut maigrir ? Doit-on se soucier de la proportion de graisse contre les sucres que l’on brûle, ou seulement des quantités totales ? Le fait de se focaliser sur la proportion vient d’une illusion sous-jacente à l’idée qu’il faut s’entrainer à une faible intensité pour rester dans la “zone de consommation des graisses”.

Il est certain que le fait de rester assis sur un vélo stationnaire et de bouger ses jambes sans résistance brûle principalement de la graisse – mais 80% de 5 calories n’est pas très utile pour maigrir… Mieux vaut se bouger dans une intensité plus élevée pour obtenir une proportion plus faible d’un total plus important. Et comme on améliore sa forme, la capacité du corps à brûler la graisse augmentera, ainsi que l’intensité à laquelle la consommation de la graisse sera maximisée. Voici un graphique, provenant de l’étude Espagnole, qui montre l’oxydation de la graisse de tout le corps dans la chaleur pour des sujets entrainés (TR) et non entrainés (UNTR), en tant que fonction de l’intensité de l’exercice physique :


Ainsi, l’objectif ne devrait pas être de se la couler douce à une faible intensité pour maximiser la consommation proportionnelle de graisse, il devrait plutôt être d’améliorer sa forme physique (en s’entrainant relativement dur) pour que le taux global de la consommation de graisse double.

Enfin, peut-être faudrait-il arrêter de se focaliser uniquement sur la consommation des graisses comme quelque-chose d’impératif pour maigrir, même si l’on parle de quantité plutôt que de proportions. Une étude intéressante a été publiée il y a quelques années [2], qui laissait entendre que le total des calories brûlées est plus important :

Des scientifiques de Sydney ont démontré que des souris génétiquement modifiées pour brûler de préférence des graisses plutôt que des hydrates de carbones stockeront de toute façon les sucres non consommés sous forme de graisse, et que leur poids et leur composition de corps ultimes seront les mêmes que ceux d’une souris normale.

Bien entendu, une étude sur des souris ne s’applique pas obligatoirement aux êtres humains, et encore moins dans toutes les conditions. Et il pourrait y avoir d’autres raisons de se focaliser sur la consommation des graisses – les marathoniens, par exemple, tirent un bénéfice certain d’avoir un taux aussi élevé que possible de consommation des graisses. Mais la meilleure façon de faire monter en puissance sa consommation des graisses est d’améliorer sa forme physique.

Références :

[1] Aerobic fitness determines whole-body fat oxidation rate during exercise in the heat. Del Coso J, Hamouti N, Ortega JF, Mora-Rodriguez R. Appl Physiol Nutr Metab. 2010 Dec ;35(6):741-8. doi : 10.1139/H10-068.

[2] Acute or Chronic Upregulation of Mitochondrial Fatty Acid Oxidation Has No Net Effect on Whole-Body Energy Expenditure or Adiposity. Cell Metabolism, Vol. 11, Issue 1, 70-76, 6 Jan. 2010.

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