Il était une époque où les chercheurs qui voulaient étudier les effets de l’exercice physique pendant la grossesse devaient d’abord convaincre les futures mères que leurs entrainements ne feraient pas de mal à leurs bébés.

Aujourd’hui c’est plutôt le contraire…

“La partie la plus difficile de notre étude était de faire face à la déception des femmes qui avaient été tirées au sort pour faire partie du groupe de contrôle, car je leur demandais de rester sédentaires pendant toute leur grossesse” explique le Dr. Bradley Price, obstétricien et auteur d’une étude sur le sujet.

Les résultats de Price, publiés dans Medicine & Science in Sports & Exercise [1], apportent des éléments supplémentaires en faveur du consensus selon lequel une dose minimum d’exercice modéré pendant la grossesse donnait de meilleurs résultats. Mais à l’autre côté de l’échelle, les chercheurs débattent toujours sur la quantité maximale d’exercice et à partir de quand il faut s’arrêter, les études récentes apportent certains indices évocateurs.

Les 62 femmes de l’étude de Price n’étaient pas sportives quand elles sont tombées enceintes. L’étude a commencé quand elles étaient entre 12 à 14 semaines de grossesse, et la moitié d’entre elles a dû suivre un programme d’exercices physiques qui comprenait quatre séances par semaine, chacun durant entre 45 et 60 minutes, qu’elles ont continué jusqu’à leur 36° semaine de grossesse. Les entrainements comprenaient du step, de la gymnastique, des marches en terrain accidenté et des circuits qui ont alterné exercices cardiovasculaires et musculation.

Étonnamment, le groupe qui faisait de l’exercice a gagné en forme cardiovasculaire et en force musculaire. Elles ont aussi vécu deux césariennes comparées aux dix césariennes du groupe de contrôle qui n’a rien fait, et ont repris leurs activités quotidiennes plus rapidement après leur accouchement. Il n’y avait pas de différences pour ce qui était de la taille des bébés à la naissance, ni sur la durée de la grossesse.

À partir de ces résultats, Price a nommé le programme qu’il avait assigné comme étant la “dose minimum efficace” pour les femmes qui ne faisaient pas de sport avant leur grossesse. Les femmes qui avaient déjà un niveau de forme physique élevé avant de tomber enceintes, ajoute-t-il, peuvent bénéficier du maintien de leur important volume d’exercice physique.

Ce sont les femmes qui ont le niveau le plus élevé de forme physique, habituées aux entraînements intensifs, qui devraient faire attention au sport qu’elles font. Jusque 1994, on recommandait aux femmes enceintes d’éviter de faire monter leur rythme cardiaque au-delà de 140 battements par minute. Cette restriction a été abandonnée, mais des questions demeurent sur le fait de savoir s’il y a une intensité au-delà de laquelle la santé du fœtus pourrait être compromise.

Une étude Norvégienne publiée en 2012 [2] a recruté six athlètes Olympiques d’endurance, des skieuses de fond, des coureuses et des marcheuses totalisant 21 médailles Olympiques et Championnes du monde, et leur a fait faire une série d’entraînements intensifs à des efforts proches de leur maximum entre 23 et 29 semaines de grossesse.

Alors que la plupart des signes de diagnostics sont restés normaux, les chercheurs ont relevé des signes d’alerte potentielle chez deux des femmes dans les intensités les plus élevées : pendant quelques minutes après avoir complété leur exercice, le rythme cardiaque et l’afflux sanguin à travers le cordon ombilical ont ralenti, avant de rapidement revenir à la normale sans conséquences négatives.

Une autre étude des Dr. Linda Szymanski et Andrew Satin de l’Université Johns Hopkins de Baltimore a relevé des signes similaires dans leur étude sur 45 femmes qui devaient faire un test sur un tapis de course jusqu’à épuisement maximal entre 28 et 32 semaines de grossesse. Dans cette étude, cinq des 15 femmes qui ont été classées comme étant les “plus actives” avant la grossesse, ont fait suffisamment de sport pour qu’un bref plongeon du rythme cardiaque et une modification du flux de sang dans le cordon ombilical aient été observés après le test du tapis de course, pour ensuite revenir à la normale en 21/2 minutes. Dans ces deux études, toutes les femmes ont accouché de bébés en parfaite santé sans complications.

“Nous ne savons pas si ces résultats sont importants pour la santé globale du fœtus” dit Szymanski. “Cependant, cela indique certainement que nous avons besoin de plus d’études sur le sujet, et je pense que dans certains cas il faut faire très attention.”

Ainsi, qu’est-ce que cela nous apprend sur le seuil maximal d’exercice physique que l’on peut faire sans risque pendant la grossesse ? Pratiquement rien, dit Szymanski, il n’y a tout simplement pas assez de données. Toutes les femmes qui ont vécu des symptômes faisaient de l’exercice à environ 90% de leur rythme cardiaque maximal ; d’un autre côté, les deux tiers des femmes qui ont atteint ce seuil n’ont montré aucun effet.

Jusqu’à ce que plus de données soient disponibles, les chercheurs recommandent à leurs patientes d’être vigilantes avec l’exercice physique extrêmement épuisant, en appuyant sur l’importance de bien écouter leur corps et d’arrêter si elles ne se sentent pas bien. “Les femmes qui m’inquiètent sont celles qui sont des athlètes accomplies et qui vivent selon la philosophie du ’no pain no gain’ dans leur vie”, dit-elle. “Je pense qu’il est difficile de mettre cette mentalité en sourdine pendant la grossesse, mais je pense aussi qu’elles devraient probablement le faire”.

Pour les autres femmes, le message est clair : restez actives pendant votre grossesse. Et si vous ne faites pas déjà de sport, utilisez votre grossesse comme excuse pour vous y mettre, puis s’y tenir. “La grossesse est le moment idéal pour opérer des changements bons pour la santé” dit Price, “parce que les femmes enceintes sont motivées pour faire tout ce qui est en leur pouvoir pour avoir un bébé en bonne santé”.

Comment rester en forme ?

Dans une étude récente, des femmes enceintes qui ont réalisé le programme d’exercices physiques ci-dessous ont réduit leurs risques de césarienne, et ont accéléré leur temps de récupération après leur d’accouchement. Les entraînements duraient au moins 45 à 60 minutes et étaient réalisés quatre fois par semaine à intensité modérée (12 à 14 sur une échelle allant jusqu’à 20).

Jour 1 : Step aérobique
Jour 2 : Marche en groupe sur terrain accidenté ou montagneux
Jour 3 : Circuit alternant 1 à 10 minutes de cardio (tapis de course, elliptique, vélo stationnaire) avec 20 répétitions d’exercices de musculation sur une machine (haut du corps, jambes et tronc), suivis de cinq minutes d’étirements.
Jour 4 : Marche rapide individuelle.

Références :

[1] Exercise in Pregnancy : Effect on Fitness and Obstetric Outcomes—A Randomized Trial. Price Bradley, Amini Saeid, Kappeler Kealyn. Medicine & Science in Sports & Exercise. 44(12):2263-2269, Dec 2012.

[2] Fetal wellbeing may be compromised during strenuous exercise among pregnant elite athletes.
Kjell Å Salvesen, Erlend Hem, Jorunn Sundgot-Borgen. Br J Sports Med, 2012 ;46:279-283 doi:10.1136/bjsm.2010.080259.

A lire également