Au milieu du siècle dernier, certains auteurs en nutrition ont recommandé de prendre un petit-déjeuner de lion, de déjeuner comme un prince et de diner comme un indigent. Leurs conseils sont restés dans l’esprit de tous. Un examen récent sur les mérites du petit-déjeuner a soulevé des questions notamment sur le fait de savoir si nous devons vraiment manger comme des lions le matin ou pas.

D’abord, le “repas le plus important de la journée” n’est pas un titre qu’on devrait donner à quelque repas qui soit, qu’il s’agisse du petit-déjeuner, du déjeuner ou du diner. Essayer de définir arbitrairement un repas spécifique comme “le plus important” n’est pas très raisonnable, mais il y a quelques idées bien partagées dans la population qui ont contribué à affubler le petit-déjeuner de ce titre plutôt ambitieux. Or lorsqu’on prend en considération ces idées, il devient évident que certaines d’entre elles ne sont pas soutenues par un ensemble de preuves qu’on pourrait espérer trouver [1].

Voici les questions les plus souvent posées à propos du petit-déjeuner, et les éléments de preuves scientifiques pour y répondre.

Est-ce que le fait de sauter le petit-déjeuner pousse à manger plus ?

Nous savons que le fait de sauter le petit-déjeuner fait que le cerveau est plus sensible aux aliments beaucoup plus riches en calories [2] et que les gens mangent souvent plus au déjeuner de midi quand ils sautent le petit-déjeuner [3]. Mais en situations de laboratoire [4], et lors d’études plus réalistes conçues avec des gens vivant normalement [5], la plupart des études a montré que le fait de sauter le petit-déjeuner a eu pour conséquence un apport total en énergie qui était plus faible sur une journée entière que lorsqu’on prend un petit-déjeuner. Ainsi, malgré une sensation de faim qui est plus importante pendant la matinée [6] et malgré la compensation au déjeuner, le fait de sauter le petit-déjeuner ne semble pas causer d’effet suffisamment important pour que les individus outrepassent le déficit de calories créé par l’absence de petit-déjeuner.

Est-ce que le petit-déjeuner est une impulsion pour le métabolisme ?

L’action de manger met en branle tout un ensemble de processus biologiques associés à la digestion et au stockage de la nourriture, ce qui a pour résultat d’augmenter la dépense énergétique induite par thermogenèse. Ainsi, certes oui le petit-déjeuner booste le métabolisme !

Une étude récente a même montré que cette augmentation de la dépense d’énergie est plus prononcée dans la matinée qu’en soirée [7]. Mais le problème majeur qui va assombrir tous vos espoirs concernant ce prompt démarrage est qu’il est compensé par l’énergie du petit-déjeuner lui-même.

La thermogénèse induite par l’alimentation compte pour une partie des aliments qu’on mange. Pour une alimentation normale, c’est seulement 10 % des apports en énergie [8]. Des proportions plus importantes de protéines peuvent augmenter ce niveau, mais même au plus haut, la thermogénèse induite par l’alimentation ne compte que pour 15 % de ce que vous mangez.

Mais il peut y avoir quelque-chose de plus que seulement cette augmentation du métabolisme dû à la digestion. Des preuves récentes, publiées dans l’American Journal of Clinical Nutrition, ont montré que les personnes qui prenaient un petit-déjeuner utilisaient plus d’énergie par l’activité physique [9] surtout le matin [10] que ceux qui jeûnaient. Ainsi, il se pourrait que sauter le petit-déjeuner fait que les individus se sentent moins énergiques et qu’ils diminuent leurs niveaux d’activité physique en conséquence, et ceci sans s’en rendre compte.

Est-ce que le fait de sauter le petit-déjeuner fait grossir ?

Le fait de sauter le petit-déjeuner est associé à une prise de poids plus importante et à une augmentation de la prise de graisse dans le temps [11]. Mais cela ne veut pas obligatoirement dire que le fait de ne pas prendre de petit-déjeuner soit la cause de cette prise de poids. Il se pourrait que le fait de prendre un petit-déjeuner soit simplement un marqueur d’un style de vie plus sain et, qu’en soi, cela ne protège pas contre l’obésité.

Plusieurs études randomisées (dans lesquelles les gens sont répartis au hasard dans un certain type de comportement, comme de manger un petit-déjeuner ou non) n’ont pas trouvé de preuves que sauter le repas du matin fasse grossir [12]. Malgré cette association entre le fait de sauter le petit-déjeuner et la prise de poids, les expériences spécifiquement conçues pour essayer d’établir une cause et un effet n’ont pas apporté de preuves que le fait de ne pas prendre de petit-déjeuner faisait grossir.

Mais au-delà des perceptions communes relatives au petit-déjeuner et au poids, il est important de reconnaitre qu’il y a d’autres dimensions majeures dans ce débat sur le petit-déjeuner :

Le terme de “petit-déjeuner” couvre une large gamme d’aliments qui va des céréales sucrées aux fritures. La recherche qui a examiné la façon dont les différents types de petit-déjeuner modifiaient le corps est toujours en cours.

Il est possible que le fait de consommer un petit-déjeuner (selon son type) pourrait vous rendre plus enclin à consommer les quantités recommandées de certains nutriments [13]. Il y a des preuves montrant que le fait de manger un petit-déjeuner peut améliorer la performance pendant des exercices d’endurance [14].

Prendre un petit-déjeuner pourrait aider le corps à réguler les concentrations en glucose sanguin [15]. Le fait de sauter ce repas matinal a montré que cela augmentait l’hyperglycémie postprandiale (le sucre dans le sang après un repas) chez les gens qui souffrent de diabète de type 2 [16].

Alors, doit-on pendre un petit-déjeuner ?

La sagesse populaire qui prédomine de nos jours est que oui vous devriez pendre un petit-déjeuner. Mais les éléments de preuve scientifiques actuels montrent que malheureusement la réponse la plus simple est qu’on ne sait pas, cela dépend. Que vous mangiez religieusement votre petit-déjeuner tous les matins, ou que soyez un inconditionnel du saut de petit-déjeuner, il faut garder à l’esprit que les deux positions peuvent avoir leurs mérites et que la réponse n’est probablement pas aussi simple que ce que veut nous faire croire la “sagesse” populaire.

Références :

[1] Belief beyond the evidence : using the proposed effect of breakfast on obesity to show 2 practices that distort scientific evidence. Am J Clin Nutr, 2013, vol. 98 no. 5 1298-1308

[2] Eur J Neurosci. 2009 ;30(8):1625-35. Fasting biases brain reward systems towards high-calorie foods.

[3] Carbohydrate-rich breakfast attenuates glycaemic, insulinaemic and ghrelin response to ad libitum lunch relative to morning fasting in lean adults. British Journal of Nutrition. Vol. 114, Iss. 01, 2015, pp 98-107.

[4] Physiol Behav. 2013. Effect of skipping breakfast on subsequent energy intake.

[5] Physiol Behav. 2014 ;133:130-5. Experimental manipulation of breakfast in normal and overweight/obese participants is associated with changes to nutrient and energy intake consumption patterns.

[6] Effect of extended morning fasting upon ad libitum lunch intake and associated metabolic and hormonal responses in obese adults. International Journal of Obesity, 2016, 40, 305–311.

[7] Is the timing of caloric intake associated with variation in diet-induced thermogenesis and in the metabolic pattern ? A randomized cross-over study. International Journal of Obesity (2015) 39, 1689–1695.

[8] Nutr Metab (Lond). 2004 ;1(1):5. Diet induced thermogenesis. Westerterp KR.

[9] The causal role of breakfast in energy balance and health : a randomized controlled trial in lean adults. Am J Clin Nutr August 2014, vol. 100 no. 2 539-547.

[10] The causal role of breakfast in energy balance and health : a randomized controlled trial in obese adults. Am J Clin Nutr, ajcn122044.

[11] J Am Diet Assoc. 2005 ; 105(9):1373-82. Is consumption of breakfast associated with body mass index in US adults ?

[12] Am J Clin Nutr. 2014 ; 100(2):507-13. The effectiveness of breakfast recommendations on weight loss : a randomized controlled trial.

[13] Consumption of Breakfast and the Type of Breakfast Consumed Are Positively Associated with Nutrient Intakes and Adequacy of Canadian Adults. J. Nutr. 2013. vol. 143 no. 1 86-92.

[14] The effect of breakfast on appetite regulation, energy balance and exercise performance. Proceedings of the Nutrition Society.

[15] Am J Clin Nutr. 2005 Feb ;81(2):388-96. Deleterious effects of omitting breakfast on insulin sensitivity and fasting lipid profiles in healthy lean women.

[16] Diabetes Care. 2015 Oct ;38(10):1820-6. Fasting until noon triggers increased postprandial hyperglycemia and impaired insulin response after lunch and dinner in individuals with type 2 diabetes : a randomized clinical trial.

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